Après unanatahiti, voici omalareunion : les nouvelles aventures des quinquas sous les tropiques...
15 mars 2016.
Le cardinal Philippe Barbarin donne une conférence de presse au sujet des agressions pédophiles commises sur des dizaines d'enfants dans le cadre de son ministère depuis les années 70 par un prêtre de son diocèse, Bernard Preynat.
Il fait un terrible lapsus, révélateur de toute l'attitude de l'église, elle qui n'a pas empêché le prêtre d'exercer auprès des enfants tout en étant au courant de ses agissements et qui l'a "couvert" sans le dénoncer dans une stratégie du secret qui la ronge toute entière.
"Grâce à Dieu, la majorité des faits sont prescrits"
Réaction indignée des journalistes, il s'aperçoit de ce qu'il vient de dire... mais il est trop tard, le lapsus , dévastateur, fait son chemin.
François Ozon en fera le titre de son film dont Marianne et moi sommes sortis bluffés par une leçon d'humanité, de rigueur , de dignité, de courage face à l'intolérable..
Ce sera donc le film du trimestre, malgré les coups de coeur que nous avons eu pour le touchant "Pupille" sur tous les acteurs du mécanisme complexe de l'adoption, et plus récemment la délicatesse et la pudeur du film "Amanda" sur deux sujets sensibles chez moi, les attentats parisiens et les enfants qui doivent continuer leur vie tous seuls... Ok, vous avez raison, pas la franche rigolade, c'est vrai, le cinéma , ce trimestre ;-)
Or donc, je suis fan depuis longtemps de François Ozon dont les films précédents, entreprises de démolition des valeurs bourgeoises et de la morale bien pensante, ne faisant pas dans le détail, me faisaient sortir le sourire aux lèvres..
Mais là, c'est différent..
Son film n'est pas un ironique jeu de massacre, comme d'habitude, mais un exposé méthodique, rigoureux, donnant la parole à tous les acteurs en évitant la colère et la surenchère.
Les victimes sont peintes avec justesse, humanité et on leur rend justice en prenant le temps de comprendre leur cheminement. L'institution religieuse est tétanisée dans ses contradictions face à l'impensable et s'enferme dans son non-dit dans une logique bien expliquée..
Le combat très émouvant de cette courageuse association "La parole libérée" est une leçon de vie qui va collectivement vaincre une montagne ( et individuellement remettre leur existence sur des rails..)
Ce n'est pas un film sur la colère, c'est un film sur la justice qui parle de dignité, au sens de se mettre debout, ce qui est l'essence de l'être humain. Ce n'est pas la colère qui fait avancer, mais c'est construire.. jusqu'à obtenir des faits :
Philippe Barbarin a été condamné pour non dénonciation de crimes et mise en danger des enfants auprès duquel le prédateur a exercé pendant des dizaines d'années..
Bernard Preynat va être jugé par la justice des hommes (après une bien longue instruction, certes, mais ... c'est qu'il y avait tant de victimes !!) et l'Eglise va ensuite lui faire un procès interne ( dit "procès canonique") qu'on va attendre avec impatience
Car tant de questions restent en suspens...
Est ce que l'Eglise va le destituer de sa fonction de prêtre , signal fort pour dire qu'un tel personnage n'est pas digne d'être prêtre ou va t'elle, de façon indigne, continuer à le garder en son sein au mépris des victimes de ses actes ?
Est ce que l'église va réellement se lancer dans le grand ménage de la pédophilie qui la ronge dans tous les pays du monde et avoir le courage d'affronter les conséquences en terne de "recrutement " du dogme de célibat des prêtres ?
Rien n'est moins sûr : ça ne commence pas très bien : le pape a rejeté la démission de Philippe Barbarin !
Le message n'est pas tres clair, cher ami !
Et au dela de l'institution religieuse, est ce que "la parole libérée" va faire tache d'huile en dehors de l'église qui, on le sait, est bien loin d'être la seule à emmurer les victimes des pédophiles dans la loi du silence en ne dénonçant pas les crimes et en laissant les auteurs au contact d'enfants...
A quand le procès de l'éducation nationale qui déplaçait les instits accusés de pédophilie dans une autre académie, des institutions sportives qui laissent les entraineurs abuseurs continuer à exercer au plus haut niveau, les conservatoires qui laissent les profs de musique enseigner malgré les plaintes , etc.. etc...
Un film majeur qui donne à espérer en la parole libérée... pour l'avenir de l'enfance blessée où qu'elle soit ..
Et je finis cet article en le dédiant à l'abbé Michel Roger à la fin des années 60, au petit séminaire de Neuvy sur Barangeon, pour dire que cet article n'est pas le procès de tous les hommes d'Eglise, moi qui avait trouvé auprès de lui non pas les horreurs de ce film mais une aide dans une période difficile de mon enfance, l'internat....
Lui qui m'a fait avancer dans ma vie en me faisant découvrir que j'étais capable d'être gardien de but et d'aimer la clarinette.