Après unanatahiti, voici omalareunion : les nouvelles aventures des quinquas sous les tropiques...
Une semaine, ça ne suffit pas pour trouver des réponses à des problèmes inextricables.. mais à Mayotte, un aussi court séjour suffit... pour se poser des questions....
En effet, si l'histoire vient de jouer à séparer le destin de Mayotte de celui des Comores avec la départementalisation au mois de mars 2011, la géographie n'est pas d'accord..
Une carte des Comores suffit à s'en persuader...
L'ile de Mayotte, en bas à droite fait partie à jamais de l'archipel des Comores, et c'est un non sens géographique d'avoir accepté d'en faire un département français qui va évoluer vers un niveau de vie insolite à proximité de la misère des iles voisines qui sont sensées regarder ca sans bouger à quelques dizaines de kms de distance ...
Alors au delà des paysages du billet précédent...
L'ile bruisse d'une population vivante et colorée ou l'oeil est attiré par les "salouvas", les vêtements aux riches couleurs des belles "Bouenis" (les femmes) qui égayent le spectacle des taches quotidiennes, comme ici la queue pour l'essence...
Seulement voila....une réalité majeure est que sur une population d'environ 230 000 habitants... on estime qu'il y a un tiers (oui , un tiers !) de clandestins venus des iles voisines (ou de Madagascar)
Allez..on les cherche...une personne sur 3 de la photo... à votre avis qui est de Mayotte, qui est d'Anjouan ?
Alors la réalité c'est quoi ? C'est un Mamoudzou (la capitale) bruyant et embouteillé..
Mamoudzou où l' on voit des bidonvilles occupés par les clandestins à flanc de collines à quelques mètres des immeubles résidentiels (en haut sur la photo), de plus en plus souvent gardés et fermés avec des fenêtres a barreaux, parce qu'on s'étonne d'une délinquance qui commence à devenir réelle...
Mais comment s'étonner quand on voit les enfants faire les poubelles tous les soirs en bas de l'immeuble ...?
Nous sommes allés voir des collègues médecins dans une belle villa avec piscine et home cinéma... le chemin qui monte à leur maison côtoie des baraques en tôle... de bric et de broc.. et des enfants en guenilles... Alors comment penser qu'il n'y ait pas de problèmes ?
Les enfants, je les ai vus en contre bas de notre immeuble, ils jouent a la police des frontières .. à celui qui attrape les clandestins... police des frontières qu'on voit faire du chiffre à la chasse aux clandestins (Le saviez vous ? les 2/3 du chiffre annuel en France de reconduite à la frontière est "fait" ici à Mayotte...),
Enfants de clandestins qui se cachent en voyant la PAF sur le chemin du collège, ou, qui deviennent enfants des rues, car au moment d'être attrapés et renvoyés, leurs parents ont choisi de les cacher en les laissant là, parce que dans leur esprit tout vaut mieux pour leurs enfants que les Comores ?
Alors, les gens se débrouillent et vendent ce qu'ils peuvent au bord des routes, travaillent au noir dans les champs ou dans la construction, main d'oeuvre docile et pas chère, jetable quand on a plus besoin d'elle..
Les Mahorais de souche défilent contre l'immigration, alors qu'ils sont les premiers a utiliser la main d'oeuvre pas chère, maintenant qu'apparait depuis la départementalisation, la législation française, les charges, les taxes et que c'est bien plus facile de donner quelques euros à un clandestin....
Et les médecins que nous sommes pensent à la CMU qui arrive et qui va faire disparaitre les dispensaires gratuits ou l'on soignait tout le monde : on va demander bientôt une carte Vitale alors qu'une personne sur 3 n'en aura pas...
Et ça va ou, dans une si petite ile, une personne sur 3 qui n'a droit à rien...?
On les reconduit aux Comores et ils repartent dès qu'ils peuvent par le prochain bateau...
Les Kwassa-kwassas.... petites embarcations fragiles qui "passent" les gens d'Anjouan à Mayotte en une nuit de traversée en pleine mer, dans des conditions souvent sordides et moyennant une petite fortune, avec des centaines de personnes par an qui n'arrivent pas au bout du voyage...
Des gens poussés à l'extrémité d'un voyage souvent tragique par la misère...prêts à payer une fortune ou "en nature" pour les femmes...
Des malades qui viennent trouver des soins qui n'existent pas aux Comores, à l'hôpital de Mamoudzou
Des femmes enceintes qui veulent accoucher en France dans l'espoir d'une vie meilleure pour leur enfant, muni du précieux sésame d'être né sur le territoire français..
Pour en parler, une BD lucide et terrible sur la réalité humaine de Mayotte, par... un collègue (et oui.. un médecin..!) que je vous recommande... (je lui ai emprunté le titre de cet article..merci à lui)
Alors, pour finir....Mayotte...qu'en dire ?
Bien sur, oui.... y aller pour découvrir ce nouveau et insolite département qui a demandé à être français, recréant un bout d'Afrique dans la république française...
Un séjour à mille lieux de la vie en France... (maintenant qu'un tout nouveau vol direct relie Paris et Mayotte) mais en se préparant au choc d'une réalité humaine interpellante..
Moi, j'en suis revenu avec l'envie de participer aux missions médicales qui se développent pour tenter de répondre (un peu) aux besoins .. de tous ces gens... au moins sur le plan médical.... et puis...pour aider les collègues qui travaillent là-bas à offrir une autre image de la France que la police des frontières...
La France, ça n'est pas que la PAF, sacré bon sang !